[Retour d'expérience] La DSI dans le budget participatif de Paris
Le 15 mai 2019, Décider ensemble et la mission Ecoter ont organisé un colloque rassemblant praticiens et experts de la participation citoyenne numérique pour discuter des moyens et compétences nécessaires pour mettre en place ces démarches dans les collectivités. L’objectif de cette rencontre était de poser le regard sur ce qui est souvent un « angle mort » du sujet, c’est-à-dire la conduite en interne de ces démarches participatives, les méthodes et compétences mobilisées pour mener ces projets et les difficultés rencontrées, du portage de l’idée jusqu’au retour au citoyen. Lors de ce colloque, six collectivités ont présenté leurs retours d’expérience. Cet article est issu d’une présentation réalisée lors de cet événement.
Un retour d’expérience de Thierry Weibel, Directeur Adjoint, Responsable du Service de la Transformation et de l'Intégration Numériques de la Mairie de Paris
L’organisation du Budget Participatif de Paris
Né en 2014 après les élections municipales, le Budget Participatif correspond à 5% du budget d’investissement de la ville, soit cinq millions d’euros. Cette enveloppe destinée concerne uniquement les projets dits d’investissement. Par exemple, dans le cas d’une épicerie solidaire, le budget participatif peut couvrir les frais de construction du local ou son aménagement, mais pas les frais liés à son fonctionnement.
La campagne du budget participatif est divisée en quatre phases :
- l’idéation, en janvier,
- la co-construction, entre février et septembre,
- le vote, en septembre, et
- la publication des résultats, en octobre, suivie de l’exécution des projets lauréats, sur 2 000 propositions annuelles.
Dans ce processus, la ville de Paris a son rôle à jouer : elle rassemble des porteurs de projets qui ont des idées similaires et aide à l’émergence de nouveaux projets. Pour le vote, en accompagnement du vote électronique, la ville met en place des bureaux de votes physiques dans des lieux fréquentés par les citoyens, comme les écoles ou les mairies, et organise des bureaux de vote mobiles, dans les rues, pour aller vers les citoyens.
Équipes et outils en interne
Un projet comme le budget participatif demande des moyens dédiés : la mission budget participatif, rattachée à la Direction de la citoyenneté, est en charge de suivre le projet. Elle rassemble 7 équivalents temps plein (dont quatre impliqués uniquement durant les phases actives des projets). Le directeur de la mission se consacre uniquement à ce projet. Cependant, comme le budget participatif a des effets transversaux, les autres directions comme les espaces verts, la voirie ou la culture s’y retrouve aussi concernés, et travaillent donc de concert avec la mission spéciale du Budget Participatif.
La direction des systèmes informatiques, qui compte à Paris 500 agents (rappelons que la mairie compte 22 directions et 55 000 agents), a une place centrale. En effet, la mairie de Paris a fait le choix du développement numérique interne, évitant autant que possible de faire appel à des prestataires extérieurs. Ce sont donc les équipes de la DSI qui ont développé les outils numériques du budget participatif.
Ces outils numériques sont au nombre de deux : un front-office et un back-office. Le front office, développé sur Lutèce, rassemble ce qui concerne l’extérieur de l’opération : le dépôt des projets avec authentification (demande de création de compte avec identifiant et adresse mail), la co-construction du projet et la mise en relation avec les différents acteurs, l’organisation des ateliers physiques ou entièrement numériques, le vote et l’information sur le suivi des projets en cours. Le deuxième outil, le back-office « Eudonet », sert à la gestion en interne : instruction des projets par les différentes directions concernées, suivi des votes, réalisation des projets et production des indicateurs qui seront exposés à toute la ville.
Données, sécurité et ouverture des plateformes : les enjeux de la participation numérique
Le numérique est apparu comme indispensable dans une ville de 2,3 millions d’habitants, mais aussi pour gérer un projet complexe comme le budget participatif. D’ailleurs, la plupart des projets portés par la ville embarquent une composante numérique, ou du moins informatique. L’usage du numérique a demandé de s’interroger sur plusieurs questions, dont la gestion des données, l’ouverture des plateformes, la sécurité des échanges.
En termes de gestion des données, le budget participatif ne produit pas une masse de données suffisante pour recourir à des outils spécialisés. Pour d’autres sujets, Paris a par contre utilisé une analyse de grandes masses de données (big data) pour la gestion de la ville. C’est le cas par exemple pour le contrôle du stationnement à partir des données collectées en temps réel sur l’ensemble des terminaux.
En ce qui concerne les plateformes elles-mêmes, la ville a privilégié autant que possible un développement interne et open source, pour garantir la souveraineté des parisiens sur leurs systèmes d’information. Cependant, la ville produit deux services numériques par mois, donc certains ne peuvent pas être maintenus dans la durée. C’est le cas de la plateforme idée.paris : l’investissement dans la plateforme était trop important, et après discussion avec le comité de lancement du projet, il a été décidé de recourir à un prestataire extérieur pour cette plateforme.
Enfin, au-delà des interrogations protocolaires que peut soulever le vote en ligne (comment garantir la solennité du vote, par exemple), des risques spécifiques (bourrage d’urnes par exemple), la question de la sécurité du vote numérique s’est posée. Il s’agissait notamment d’éviter le « bourrage d’urnes » numérique. Pour cela, la ville a adopté une approche à la fois active et défensive. Les citoyens doivent créer un compte pour pouvoir voter, et ce compte est associé à une adresse e-mail. Les adresse « jetables » sont interdites : en effet, des adresses de courriels utilisant yopmail ou gmx peuvent être générées en grand nombre par des robots qui ont la tâche de bourrer les urnes. De plus, après le vote, la ville procède à une analyse des mails pour vérifier, en fonction de la nature des votes et du comportement des votants, qu’il n’y a pas de phénomènes hors normes.
L’enjeu ici est de garantir la légitimité du vote, ce qui est central pour des projets démocratiques, mais aussi car cela peut avoir des incidences économiques (si des groupes d’intérêt se forment pour ce type de vote). Il est donc primordial de garantir la sécurité du vote et de rester vigilant pour éviter les contournements.
Télécharger la présentation utilisée durant l'événement.
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