[Retour d'expérience] Une plateforme d’engagement citoyen à Dunkerque
Le 15 mai 2019, Décider ensemble et la mission Ecoter ont organisé un colloque rassemblant praticiens et experts de la participation citoyenne numérique pour discuter des moyens et compétences nécessaires pour mettre en place ces démarches dans les collectivités. L’objectif de cette rencontre était de poser le regard sur ce qui est souvent un « angle mort » du sujet, c’est-à-dire la conduite en interne de ces démarches participatives, les méthodes et compétences mobilisées pour mener ces projets et les difficultés rencontrées, du portage de l’idée jusqu’au retour au citoyen. Lors de ce colloque, six collectivités ont présenté leurs retours d’expérience. Cet article est issu d’une présentation réalisée lors de cet événement.
Retour d’expérience : la plateforme d’engagement citoyen de Dunkerque, présentée par Alexis Favre-Gilly, chargé de mission participation des habitants
Pour ouvrir les démarches participatives à Dunkerque, une réorganisation du travail en interne et une formation des agents.
La ville de Dunkerque, qui compte plus de 80 000 habitants, a historiquement mis en place des conseils de quartier dont les membres étaient désignés par les élus du conseil municipal, au prorata de leur force politique. En 2014, le nouveau conseil municipal décide d’ouvrir la participation locale à tous. Pour cela, la ville crée la direction des initiatives locales, qui a pour but d’accompagner les démarches et non de les initier. L’idée originale était qu’une direction thématique aide à la construction du projet, puis qu’une direction ressource accompagne dans sa réalisation.
Il a fallu un temps relativement long de formation des agents des différentes directions, car ce n’était ni dans leur culture professionnelle, ni dans leur habitude de piloter des démarches participatives. Le rôle d’animateur face aux habitants créait une position nouvelle des agents vis-à-vis de l’action publique et des interrogations par rapport à leur travail. Ce nouveau rôle concernait toutes les directions et tous les agents. L’objectif était en effet de créer une culture de la participation en interne et d’aboutir à une co-construction avec les habitants.
L’usage du numérique a été envisagé au début du processus, mais la ville n’y était pas préparée et les agents manquaient encore de compétences sur la participation citoyenne. Il était donc difficile de répondre aux questions techniques mais aussi de concevoir l’organisation interne pour gérer le dispositif (quel service devait porter la plateforme, l’animer, la modérer…). Les élus ont donc décidé de se familiariser d’abord avec la participation citoyenne en présence, par la création des Fabriques d’initiative locale. La ville fixe un cadre pour les projets, puis les directions thématiques animent les démarches, conseillent et expliquent l’action publique.
La place du numérique dans les démarches participatives
Les Fabriques d’initiative locale peuvent aujourd’hui s’appuyer sur des outils numériques en particulier pour la diffusion de l’information. Des outils de co-construction ont également été expérimentés, par exemple une application de parcours ludique pour co-construire les aménagements futurs d’une base de loisirs. Cependant, ces outils sont ponctuels : l’espace participatif en ligne est fermé lorsque le projet est achevé.
En parallèle, la collectivité a lancé une plateforme pour favoriser l’engagement des habitants : J’agis pour Dunkerque. La plateforme a été déployée par un prestataire, Hacktiv, qui accompagne la collectivité sur le plan technique, sous la supervision du chargé de mission « promotion du bénévolat ». Sur la plateforme, des structures associatives qui ont besoin de bénévoles peuvent rencontrer des personnes qui ont du temps et envie de s’impliquer, de s’engager, de mettre en place des actions dans leur quartier ou leur ville.
Cette plateforme d’engagement citoyen avait également pour objectif de contribuer à une culture participative et à la co-construction de projets par les citoyens. Elle avait été préférée à une plateforme participative car les élus et les agents redoutaient un trop-plein d’expression, une plateforme « déversoir » qui serait difficile à modérer. J’agis pour Dunkerque a plutôt montré l’inverse : les habitants ne peuvent pas assez s’exprimer à travers cet outil.
Utiliser le numérique pour une démarche participative : un choix fonctionnel et politique
La collectivité s’interroge donc sur l’opportunité de mettre en place un outil numérique de participation, mais cela soulève encore des questions. Tout d’abord, il n’est pas certain que la collectivité soit encore outillée pour le faire, ni qu’elle ait les moyens financiers et humains nécessaires. En effet, la direction des initiatives locales, en tant que direction-ressource, accompagne aujourd'hui l’ensemble des directions de la ville et n’est donc pas en mesure de porter directement l’outil numérique. De plus, la mise en place de cet outil aura certainement un impact sur l’organisation interne de la collectivité, comme cela s’est vu au moment du développement des Fabriques d’initiative locale.
Par ailleurs, le numérique demande de s’interroger sur comment la parole sera traitée, et comment on aboutira à une parole collective. A Dunkerque, comme ailleurs, les citoyens agissent et se mobilisent pour des événements qui les intéressent, leur donnent envie de s’impliquer. L’événementiel et le festif mobilisent beaucoup, même en dehors du cadre de la ville. La participation n’est pas linéaire ou continue, mais se renouvelle sans cesse. Il faut donc proposer aux citoyens des outils qui répondent et s’adaptent à leurs besoins.
Dans le cadre d’une démarche participative, la légitimité est primordiale. Une minorité engagée ne peut pas parler au nom des milliers qui ne viennent pas et donc ne participent pas. Pour diversifier la parole et toucher l’ensemble des citoyens, il faut savoir comment aller vers ces milliers d’individus et les faire participer, sans quoi la démarche participative n’aura pas de légitimité.
Enfin, la municipalité est régulièrement interpellée sur les réseaux sociaux, par des citoyens qui semblent exiger une réponse immédiate. Ces interactions restent cependant bilatérales : en présentiel, l’interpellation peut être plus intéressante car d’autres citoyens peuvent répondre. Ainsi, le dialogue citoyen s’instaure et la ville s’efface dans le débat, ce qui est une réussite. Créer les conditions de ce dialogue est ce qui semble le plus important : un outil numérique peut être complémentaire aux dispositifs présentiels pour atteindre cet objectif, mais n’est pas une solution en lui-même.
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