Note d'analyse du Grand débat national
Le président de la République a annoncé le 27 novembre dernier, en pleine crise des Gilets jaunes, l’organisation d’une concertation de trois mois dans les territoires. Selon lui, ce grand débat national est l’occasion de « bâtir un nouveau contrat pour la nation, de structurer l’action du gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international ».
La tenue d’une telle concertation est inédite en France à la fois du fait de son ampleur et de la pluralité des thèmes traités. Les gilets jaunes ont exposé sur la scène publique une demande sociale forte de renouveau démocratique à laquelle le Président a décidé de répondre en instaurant différentes arènes de débat.
Les modalités d’organisation du grand débat
L’animation du débat est assurée par deux ministres : Emmanuelle WARGON, secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat en charge de la Transition écologique (plus spécifiquement responsable du lien avec la société civile) et Sébastien LECORNU, ministre chargé des Collectivités territoriales (pour le lien avec les élus).
Les modalités d’organisation ont été précisées par le Premier ministre. Une commission interministérielle a notamment été créée pour assurer l’organisation logistique du grand débat. Elle devra veiller à « la qualité, la sincérité et l’intelligibilité des informations diffusés au public ».
A ses côtés, un collège de garants est institué pour garantir « l’impartialité, la neutralité et la qualité de la restitution » des points de vue exprimés :
- Jean-Paul BAILLY, nommé par le gouvernement, est un dirigeant d’entreprise : il a notamment été à la tête du groupe La Poste et de la RATP. Il est aujourd’hui président du campus thecamp dédié aux nouvelles technologies près d’Aix-en-Provence.
- Isabelle FALQUE-PIERROTIN, haute-fonctionnaire désignée par le gouvernement, elle était jusqu’alors présidente de la commission nationale de l’information et des libertés (CNIL). Elle supervisait à ce titre l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données.
- Le président du Sénat, Gérard LARCHER, a choisi Pascal PERRINEAU, politologue. Il est spécialiste de sociologie électorale et de l’extrême droite en France et en Europe et a été notamment directeur du CEVIPOF.
- Le président de l’Assemblée nationale, Richard FERRAND, a nommé un ancien membre du Conseil constitutionnel, Guy CANIVET. Il a notamment été premier président de la Cour de cassation, la plus haute fonction de l’ordre judiciaire.
- Enfin, Patrick BERNASCONI, président du Conseil économique, social et environnemental a pour sa part nommé Nadia BELLAOUI, secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement.
Le grand débat en bref :
(Vous pouvez télécharger cette infographie en format PDF à la fin de cet article)
Quelles suites données au débat ?
A ce jour et bien que le débat ait commencé, aucune information sur les suites données à celui-ci n’est disponible.
Plusieurs pistes sont toutefois envisagées :
- Plusieurs voix se sont élevées en faveur d’un référendum à choix multiple. François PATRIAT, président du groupe LREM au Sénat, a ainsi déclaré : « Il faudra une sortie politique à la crise, avec en perspective une respiration pour les Français, qui peut passer par cette consultation (…) Ça redonnerait de la force à la volonté de poursuivre les réformes. » Les questions pourraient porter sur la reconnaissance du vote blanc, la réduction du nombre de parlementaires, la proportionnelle ou encore le référendum d’initiative citoyenne.
- Le Sénat, l’AMF, l’ADF et Régions de France suggèrent pour leur part la tenue d’une « conférence sociale et territoriale » qui négocierait les propositions issues du grand débat. En ce sens, François BAROIN, Dominique BUSSEREAU ou encore Hervé MORIN, sous la bannière de l’association Territoires Unis, militent pour une participation commune au grand débat, qui serait un premier pas vers un « acte 3 » de la décentralisation accordant plus de souplesse et de libertés aux collectivités territoriales.
- Du côté des acteurs de la participation citoyenne, plusieurs collectifs oeuvrent pour leur part en faveur de l’organisation d’une assemblée citoyenne. Composée de citoyens tirées au sort et épaulée selon les formules par un comité d’éthique, des représentants des corps intermédiaires, etc. cette assemblée aurait pour mission d’analyser et de synthétiser les propositions récoltées tout au long des deux mois de débat.
Des limites au grand débat ?
Le grand débat est une occasion à ne pas manquer pour renouer le lien avec des citoyens de plus en plus critiques à l’égard de la représentation démocratique. Pour autant, plusieurs réserves méthodologiques peuvent être formulées :
- Une absence de mobilisation réelle des corps intermédiaires, des élus et du Parlement. Si chacun est libre d’organiser une réunion et contribuer au débat, aucune place spécifique n’est prévue pour ces différents acteurs ;
- La non prise en compte des instances de participation traditionnelles : conseils de développement, de quartiers, etc. de nombreuses instances existent dans les territoires. Un tel débat aurait été l’occasion de les mobiliser et de démontrer leur utilité et leur expertise pour faire vivre la démocratie dans les territoires ;
- Une indépendance à questionner à la suite du retrait de la CNDP, seule autorité administrative indépendante compétente pour l’organisation d’un tel débat. Animation du débat assurée par deux ministres, rédaction de fiches thématiques et cadrage du débat par des représentants de la majorité, d’ores et déjà plusieurs fois s’élèvent parmi les spécialistes pour dénoncer l’absence de neutralité dans les ressources mises à disposition des participants ;
- Parmi les 5 garants aucun ne dispose d’une compétence réelle dans le domaine de la participation citoyenne. Or, nous ne cessons de le dire à Décider ensemble, les dispositifs de participation ne s’improvisent pas et une ingénierie spécifique est nécessaire pour leur bonne mise en œuvre.
- La reddition de comptes : aucune déclaration n’a été faite par le gouvernement sur la façon dont les propositions seront retenues et impacteront les politiques publiques en cours ou à venir. Cet engagement est pourtant essentiel pour assurer une participation saine dans un cadre clair et transparent. Qui prendra la décision ? sur quels critères ? Ces points restent encore à clarifier.

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